Champs libres, un rare espace de libertés

 

Journal de la Haute-Marne, 9 mai 2003

 

Jusqu’au 14 juillet, le sculpteur Alain Bresson, présente ses œuvres au château du Grand Jardin de Joinville. Une opération que l’artiste loue au nom de l’art, sous toutes ses formes.

L’Orcca fait un travail de pointe dans la mesure où l’on quitte les lieux traditionnels, comme les musées, qui sont réservés à un public particulier. Or il y a une partie des gens qui sont défavorisés. Surtout dans les zones rurales où maintenant il n’y a plus d’expression artistique.

Pourtant elle existait avant. L’art visuel existait en parmanence, par exemple dans un grenier, il y avait des peaux de lapins, un nid d’hirondelle (…) si on cadrait cela dans un objectif, le grossissait, on pouvait avoir un tableau abstrait. Tout cela a été remplacé par une peinture uniforme sur le mur des maisons, on est arrivé à une asepsie partout. Il n’y a plus de vie.

Les organismes d’Etat – quels qu’ils soient – sont dans une lignée d’expression artistique très technique, très grammairienne. Une des faiblesses de l’heure actuelle. Faute de repères, on se gargarise de mots, d’explications. C’est le reflet de la société d’aujourd’hui. Nous sommes dans une société d’assistanat, où il y a de moins en moins d’implication personnelle, qui est due à je ne sais trop quoi, on est en train de rejoindre ce qui se passait dans les pays totalitaires. On peut maîtriser la dialectique, on peut maîtriser la réflexion, le discours, mais pas l’émotion. Dès qu’on touche aujourd’hui un maximum de gens on devient populiste, populard… N’importe quoi !

En cela « Champs libres » est une opération rare, elle devient précurseur dans la mesure où elle touche le monde de l’émotion. Les artistes qui sont présents, les œuvres font appel à la sensibilité de chacun.

Simple exemple. Souvent on me dit que « l’on n’y connaît rien ». C’est là où cette expression plastique a réussi son tour de force : « vous faire passer – moi y compris – pour des imbéciles ! ». Or quand on voit de belles choses, si cela vous touche, si vous êtes ému, vous êtes alors atteint de culture.

Je trouve cela très bien que des tas de formes d’expression existent. Car à partir du moment où il n’y a plus qu’une forme qui prédomine, et c’est le cas actuellement, cela devient dangereux, c’est du sectarisme. Mais ce que je reproche aux expressions artistiques actuelles, c’est qu’on ne peut ni les rejeter, ni se positionner pour, ni se désengager. On manipule la réflexion, la pensée. A partir du moment qu’on maîtrise l’art, on a une société en danger.

« Champs libres » est un rare lieu où il reste encore un espace de libertés, où des tas de gens s’expriment, qui permet de découvrir des artistes. J’ai notamment beaucoup apprécié l’exposition à Sedan d’Olivier O. Olivier, un poète extraordinaire. Il présente des œuvres où il y a non seulement de la poésie, mais aussi de la dénonciation de la société, de la nature humaine, du système et de la pertinence. Un mélange que l’on voit moins. Un éclectisme rare, où se côtoient tendresse et violence.

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